28 juin 2022

Et si Paris Courts Devant ne passait pas l’É&TÉ !

Malgré tous nos efforts, toute notre détermination et notre imagination, il semble que les moyens disponibles pour fabriquer Paris Courts Devant se tarissent irrémédiablement.
Non pas des moyens confortables ! Juste ceux nécessaires à la survie.

En effet, depuis trois ans, il manque chaque année le strict nécessaire pour maintenir ouverte cette fenêtre parisienne et francilienne dans des conditions de travail acceptables.

Pourtant, en seize éditions, qui peut nier que nous ayons contribué, à notre mesure, à l’émergence d’une génération de cinéastes ? Une génération métissée, diverse, paritaire, exigeante et libre, avec comme seule boussole la conviction que le cinéma doit aborder tous les genres, tous les sujets, des plus intimes aux plus socialement brûlants… Qu’il se nourrit de la vie qui, en retour, se nourrit du cinéma, attentif au monde et à ses mutations.

Qui peut nier que nous ayons créé un espace de découverte pour révéler les jeunes cinéastes, les faire se rencontrer, rencontrer le public et se confronter à la critique ? Que ce soit en courts ou longs métrages, séries, réalité virtuelle, transmedia, etc ?

Que des milliers d’enfants dans les écoles aient bénéficié de notre dispositif ludique d’apprentissage du regard critique avec nos « Petits Courts Devant » ?

Que parmi plusieurs milliers de films sélectionnés en seize ans, nous ayons distingué de nombreux talents qui ont ensuite obtenu une reconnaissance nationale et internationale ? Ainsi, depuis dix ans, nous avons notamment présenté pas moins de 43 films nommés ensuite aux César et aux Oscars, dont 14 ont finalement obtenu la récompense suprême.

Que nous ayons distribué plus de 700 points aux sociétés de production pour l’aide au programme, contribuant ainsi par nos choix éditoriaux à leur fournir les moyens de leurs ambitions ?

Que, chaque année, au delà des tables rondes qui leur sont consacrées, nous donnions l’occasion à une soixantaine de comédien·ne·s de rencontrer auteur·rice·s, producteur·rice·s et réalisateur·rice·s tout en pratiquant leur métier autour de projets émergents ?…

La liste des dispositifs que nous avons créés au service de tel ou tel corps de métier est trop longue pour être détaillée ici ! Nos partenariats avec des regroupements représentatifs de producteur·rice·s, d’auteur·rice·s, de réalisateur·rice·s, de comédien·ne·s en sont témoins.

Sur cette route, depuis les débuts en 2004, alors que nous n’avons jamais cherché qu’à trouver les moyens de maintenir ouverte cette fenêtre de diffusion dans toute sa diversité et son éclectisme, nous avons essuyé pas mal de tempêtes. Nous nous sommes souvent heurtés à un plafond de verre qui préfèrerait nous voir insignifiants plutôt que porteurs d’une ambition pour les jeunes talents qui s’expriment à travers nous.

Nous avons fait des erreurs, bien sûr. Qui n’en fait jamais ? Mais nous nous sommes battus, nous nous sommes acharnés jusqu’à la rupture. Nous sommes tombés, nous nous sommes relevés… Quinze fois par terre, seize fois debout !

Depuis 2017, mais aussi comme d’autres festivals depuis la crise sanitaire, devant la baisse ininterrompue des ressources tant publiques que privées, nous nous voyons contraints de travailler avec toujours moins : nous avons déjà réduit la voilure, simplifié la formule, réduit drastiquement les coûts et la masse salariale, optimisé, mutualisé, imaginé tout ce qu’il était possible…

Mais il est désormais clair que le niveau de nos financements a franchi la cote d’alerte depuis trop longtemps. Subventions et aides qui ont, en effet, été divisées par huit en cinq ans, la situation s’étant encore aggravée depuis la crise sanitaire qui a accéléré le désengagement de partenaires historiques.

Au delà de la question du pourquoi, une chose est cependant certaine : nous ne voulons plus imposer des conditions indignes à une équipe déjà squelettique, ni abuser du bénévolat sans même avoir le temps de former les volontaires.

Alors à nous toutes et tous, nous demandons si les publics parisien et francilien ont le droit, et ont besoin de cette fenêtre ouverte, bienveillante, éclectique et créative sur les grands talents du cinéma de demain. Si le paysage du jeune cinéma a besoin de cette semaine de bouillonnement, de croisements et de rencontres, riche en outils pratiques, en découvertes mutuelles et en collaborations fécondes, et qui contribue, au terme d’un processus de sélection rigoureux et démocratique, à l’éditorialisation, à la fois exigeante et ouverte, d’une production pléthorique.

A nous toutes et tous, nous demandons si, oui ou non, nous acceptons, le cœur léger, de voir disparaître Paris Courts Devant.

Et si nous donnons une réponse solidaire à toutes ces questions, il est urgent que, au plus tard à la mi-juillet, nous rendions possible son existence, que nous persuadions celles ou ceux qui en détiennent les moyens, mécènes, financiers, industrie, administrations, afin que soient enfin réunies les conditions pérennes de son fonctionnement.

Sur un budget, extrêmement raisonnable, d’un peu moins de 90 k€, nous avons déjà sécurisé la moitié. Reste à trouver la suite… Faute de quoi, le festival disparaîtra corps et bien, d’asphyxie et d’épuisement, irrémédiablement.

Si nous communiquons aujourd’hui en toute transparence sur une situation, propre à Paris, parfaitement incompréhensible, c’est que nous croyons à la force du collectif !

Nathalie Kouper et Rémi Bernard
Paris Courts Devant
Écrans & Talents Émergents

* Paris Courts Devant, porté par l’Association Courts Devant, est éligible au rescrit fiscal, permettant aux personnes physiques et morales une défiscalisation de 60% des sommes investies sans contreparties.